Il est des choses qu'on ne choisit pas dans la vie, au rang desquelles son pays de naissance et sa nationalité (avec un début pareil si je ponds pas un essai philosophique ou sociologique il y a maldone). Et puis il y a des choses qu'on ne comprend pas bien sur l'influence que ces choses (les premières, celles qu'on ne choisit pas) ont, et qui perturbent un peu (les choses qu'on ne comprend pas, celles-là même qui sont influencées par les choses qu'on ne choisit pas).
Là normalement j'ai perdu 50% de mon lectorat, donc à vous deux qui restez je vais donc vous faire un révélation : je suis franco-suisse. Mmh? Ah ouais je crois que je l'avais déjà dit en fait. Bon. De toute façon c'était pas ça LA réflexion du jour.

Donc je suis franco-suisse, et je me plais à le dire parce que ça fait djeunz cool (oui je sombre parfois dans la recherche de popularité, je suis faible que voulez-vous)(mais très vite j'arrête parce que ça marche pas des masses. je suis faible vous dis-je) et aussi parce que l'air de rien ça a une véritable influence sur moi. Une de ces influences qu'on ne comprend pas (je ne vous renvoie pas au paragraphe du dessus, vous commencez à comprendre le principe j'espère).

En fait un jour je me suis réveillé, et on m'a dit "tiens voilà ton passeport suisse" et moi j'ai dit "cool un passeport pas comme les autres, plus grand et plus rouge, qui dure vachement plus longtemps". En fin de compte un grand passeport c'est très chiant quand on voyage (heureusement le passeport suisse 2.0 a fait son appartition avec puce biométrique et traceur international... ahem), la grosse croix sur fond rouge fait penser aux policiers malgaches qu'on fait partie de la croix rouge (sur fond blanc... passons) et si le passeport dure plus longtemps c'est parce qu'il est plus cher. Enfin était, je crois que maintenant c'est du kifkif.

Dans la vraie vie, le passeport suisse ne change rien. On se recouche le soir, même pas avec son passeport dans les bras parce qu'il est conservé au chaud dans le bureau de maman (et aussi parce que mon chien en peluche m'en aurait voulu à mort), on n'en rêve même pas la nuit, et le lendemain on a à moitié oublié qu'on est suisse aussi. Dans la vraie vie, le passeport suisse ne change rien donc.
Au début tout du moins. Au fur et à mesure, on se dit qu'avoir des cousins en Suisse c'est l'opportunité de découvrir autre chose, une autre vie, d'autres activités peut-être. On se rend compte que partir en vacances en Suisse, c'est aussi un peu aller chez soi, comme on découvrirait une région de France. On commence à s'intéresser à la vie, l'histoire, la culture ou la politique suisses comme françaises, on pointe les différences en souriant. On se sent influencé, quoi qu'il en soit, alors que finalement on n'y a jamais vécu, en Suisse.

Et c'est là tout le problème, tout mon problème. A la question "te sens-tu plus français ou suisse", je suis bien forcé de répondre français, n'ayant jamais vécu qu'en France. Ca me fait mal d'être obligé de choisir. Français donc, mais... pas complètement quoi. Au final je ne me sens ni vraiment français, ni vraiment suisse. Ni franco-suisse en fait. Une sorte de désincarnation que je n'ai jamais vue venir mais que je suis tenu de reconnaître, et qui ne m'embête pas plus que ça finalement. Aux remarques désobligeantes sur l'accent suisse (qui n'est en fait souvent que l'accent de Neuchâtel, mais un bon français se soucie-t'il du nombre d'accents suisses?) je ne vois qu'une sorte de parisianisme étendu, qui veut que différent=péquenot. Du repli des Suisses sur eux-mêmes, vouant un racisme certain pour les Français frontaliers, arrogants et stupides, je ne peux que me désoler. La double nationalité m'a forcé à prendre du recul sur ce point particulier, et finalement un peu sur l'acceptation de l'autre en général.