On part pour un ptit bout de temps. On s'eloigne de son pays natal, on commence a se souvenir des choses bien et on compare avec les pays rencontrés. On se dit que la France c'est quand meme pas trop mal, que bien sur y'a des choses qui tournent pas rond mais que grosso modo ca tient la route.

Et pis d'un coup on se prend une claque de retour a la realite, celle qui ne sent pas bon le vin ou le fromage, les lumieres et la philosophie, les montagnes ou la culture, les bibliotheques gratuites de Paris et les coteaux dores de Bourgogne en Automne. La realite chiante voire insupportable.

Une heure et demie d'attente au Consulat de France pour une pauvre signature. Des articles dans les journaux completement biaises, contradictoires, mal ecrits ou mal penses. Une situation politique plutot merdique, et pas grand chose de mieux a l'horizon. Et pis les contrarietes plus personnelles aussi.

Pour une raison que je ne m'explique pas, la France est la seule a ne pas considerer l'annee sabbatique comme un bonus. La ou des pays comme l'Angleterre ou la Suede poussent les jeunes a partir (voir le monde, se forger une identite, ouvrir les yeux et l'esprit, enrichir son experience et sa culture, etc etc), la France considere systematiquement qu'un depart d'un an est synonyme de vacances prolongees et de faineantise.

Quelques remarques a ce sujet, parce que je suis chaud on vient de m'apprendre que mon futur financement de futur these etait foutu et que mon futur va devoir se trouver une autre voie :
A tous ceux qui pensent que voyager un an c'est un an de repos, je dis : allez-y, partez. Et on en reparle a la fin de l'annee, juste pour voir a quel point vous vous etes reposes.
A tous ceux qui me disent qu'en un an on oublie tout, je demande comment on peut possiblement tout d'un coup devenir amnesique et incompetent. Comment on fait pour ne plus comprendre quelque chose qu'on a etudie a fond pendant trois ou quatres annees, ou plus. Ce que l'on doit faire de cette belle idee qui veut que l'Ecole d'Ingenieur sert avant tout a apprendre a apprendre (on oublierait comment apprendre subbitement, c'est quand meme plutot desesperant).
A tous ceux qui estiment que la seule facon de bien faire c'est de toute faire a la suite, je demande alors comment et quand on peut trouver le temps de savoir ce qu'on veut faire.
Et a tous ceux qui m'emmerdent pour des dossiers dont on ne sait jamais vraiment comment ils sont juges, acceptes ou rejetes, je pose cette question : un bon thesard c'est quoi ? Juste un mec qui enchaine ce qu'on lui dit d'enchainer, qui bosse quand on lui dit de bosser, qui continue parce qu'on lui a dit de continuer ? Ou bien c'est quelqu'un qui sait au fond de lui ce qu'il veut faire parce qu'il a pris le temps d'y reflechir, et qui meme en plein milieu d'un voyage d'un an essaie de comprendre comment se forment des turbulences dans une fontaine au design novateur ?

Toute cette logorrhee ne sert a rien. Personne ne la lit. Rien ne va changer.
Moi je vais continuer de voyager, continuer d'oublier tout ce que j'ai appris.
Et peut-etre bien qu'au moment du retour, la premiere chose que je ferai sera de repartir exploiter ces oublis qui font que je me sens mieux et plus sur de moi... a l'etranger.