Tout va de travers, un mois après le retour.
Pas de job. Pas d'appartement. Pas d'envies, même pas celle de repartir : je n'ai pas encore véritablement conscience d'être revenu.
Il faut que ça cesse.

Je dois m'inscrire à la sécu. Postuler vraiment à des jobs. Je dois vous parler de l'inspiration, de la créativité. De la nostalgie aussi.
Je dois mettre en ligne quelques photos. Dépoussiérer ce carnet, et surtout mes pensées profondes.
J'appelle un super appartement dans le 3eme demain, en espérant que le simple mot "colocation" ne me vaille pas un enième raccrochage nasal.

C'est décidé : à partir de demain, j'ai une patate d'enfer.
L'heure de la reprise en main a sonné, je fais le ménage dans mon bordel mental.

Mais là tout de suite maintenant je vais penser à aller me coucher.

Je suis parti un an, et j'ai changé. Au début de manière subtile, puis de plus en plus évidente. J'ai repensé à plein de choses, à des expériences, des anecdotes, des amis. Je me suis posé des questions sur moi, sur ce que j'avais fait (beaucoup plus que ce que je voulais faire en fait...), sur mes réactions naturelles et celles que je voulais avoir. En bref j'ai plus ou moins réussi à dresser un portrait de moi que je voulais atteindre.

Et puis je suis revenu. Dans une ville que j'ai parcourue pendant presque vingt années, avec des personnes que je connais depuis plus ou moins longtemps. A ce moment j'ai eu deux impressions : que rien n'avait changé, et que moi j'avais beaucoup changé. Mais la réalité est plus subtile parce que je ne suis pas le seul à avoir pris une année. Tout le monde a évolué, tout a changé même si ce n'est pas toujours aussi flagrant que ce que je sens en moi. Same same but different.
Et c'est pareil avec les amis : on n'en garde que l'image d'avant départ, on les retrouve bien peu changés et au détour d'une petite phrase ou à l'occasion d'une réaction inattendue on se dit qu'on devrait peut-être revoir son jugement.

Je ne vais pas rentrer dans les détails. Je ne suis de toute façon pas certain que savoir que la coupe de cheveux de untel a changé, que la rue truc est maintenant à sens unique, que je me surprends à découvrir une personne que je croyais connaître ou que le distributeur automatique de billets près de chez moi a été tagué de bien belle manière intéresse beaucoup.
Mais ça me parle. Ca me rappelle constamment que j'ai voyagé, que je suis revenu, que j'ai changé ; mais aussi qu'il n'est pas besoin de toujours partir à l'autre bout de la Terre pour évoluer.

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légende pour les curieux : soulignés j'ai vraiment aimé. gras j'ai vraiment vraiment aimé. pas plus compliqué que ça.
ah oui et bien entendu cette appréciation est liée aux villes en tant que villes, pas trop au niveau activités rencontres ou nature (j'essaie de prévenir les critiques du type "waho t'as pas aimé ma ville" ou bien "z'y va y'a que dalle à KL"

J'ai remarqué que les gens ils aiment bien les listes. Les classements. L'ordre.
Les gens ils veulent savoir quel endroit j'ai préféré. Quelle a été ma plus belle expérience, la plus drôle, la plus difficile.
Les gens ils veulent savoir combien de fois j'ai été malade, si je me suis fait voler, si j'ai eu un accident.
Des fois aussi, les gens veulent savoir si j'ai rencontré du monde. Ma grand-mère est plus interessée par mes "amis", ma soeur, mes parents et j'en suis sûr au moins une de mes tantes, par mes "amies".

Alors je me suis dit, comme ça, pour rigoler, je vais faire des listes. Au fur et à mesure, selon l'inspiration, les souvenirs.
Mais je vais vous décevoir tout de suite, pour ce qui est de mes amies, vous risquez de rester un peu sur votre faim. Vous voudriez pas que je mettes des notes non plus !

Quand on retourne en France, dans sa ville, chez ses parents, et chez mes parents dans ma ville en particulier, on a droit à tout un tas de petits plaisirs simples qui, si ils ne compensent pas tout à fait le retour, permettent de ne pas le vivre trop mal.
Oui j'écris ce billet afin de rassurer mon lectorat : tout n'est pas noir dans ma vie.

Dans le désordre, depuis que je suis rentré j'aime :
le fromage
ne pas porter mon sac à dos
avoir plus de 3 T-shirts un short et un pantalon à me mettre
revoir des têtes connues
découvrir des petites têtes blondes moins connues
aller dans un bon resto et ne pas se soucier de combien ça va coûter
le fromage
pouvoir insulter Mme Météo devant ses inepties de 20h45
regarder et trier mes photos, et me souvenir
ne rien faire (ou presque) en attendant ma réunion ANPE de lundi prochain
manger du vrai chocolat
boire du vin et...
manger du fromage !

Plus sérieusement on ne m'aurait donné que du fromage j'aurais été heureux pareil. Héhéhé.

Il est 2h22. Dimanche 26 août 2007.
Je suis revenu de ma petite excursion il y a quatre jours seulement, une éternité. Enfin quand je dis revenu... C'est un peu plus compliqué je crois.

Déjà je ne suis pas encore vraiment là. Je veux dire par là que si mon corps est bien en France, mon esprit est encore en vadrouille, perdu en quelque endroit onirique. Et je cultive mon état, refusant de me remettre à l'heure française.
Je dors beaucoup. Je rêve même debout. Et quand je suis vraiment réveillé, je regarde mes photos.
Je prétends les trier mais personne n'est franchement dupe. Je ne trie pas plus mes photos que mes souvenirs : je divague, je me perds, et je me délecte. Je cherche à recréer la magie, à me remémorer les choses, mes sentiments, mes réflexions ; je finis par rester amorphe. Tout est lent, tout est lourd, tout est englué.
Etat de choc post-voyage.

D'un autre côté je ne suis même pas de retour à proprement parler. Parce que ce n'est pas la même personne qui est partie, et qui est revenue. Je suis toujours entre-deux. J'ai tout à la fois la sensation d'avoir évolué quand les choses restaient les mêmes, et celle d'être resté le même face à des choses qui ne sont plus tout à fait identiques. Un peu comme quand on revient dans une ville qu'on a connue par coeur pendant des années après quelques temps et qu'on découvre petit à petit d'infimes changements ; sauf que là ma ville a changé (mes villes...), ma famille, mes amis, les gens rencontrés durant mon année de voyage... et même moi.

Et tout va trop vite. Tellement vite que je sais que je ne peux pas encore prendre le train en marche sans me casser la gueule. Alors je regarde, assis. Je prends mon temps, et j'essaie de mettre un peu d'ordre dans mes idées.
Pas trop non plus hein : il me reste quelques 10 000 photos à trier.

J'ai un décalage horaire dans la tête, que je vis beaucoup moins bien que lorsque je voyageais (va savoir pourquoi...).
Le modem de mes parents est trop vieux pour mon Macbook flambant neuf et je dois me réhabituer à un clavier azerty tout pourri.
Je viens de m'inscrire à l'ANPE.
J'ai lu dans la nuit (cf première phrase) la superbe revue de ma non moins superbe école d'ingé, celle qui m'a donné l'impulsion finale pour mon voyage (attention, ironie inside). Il y est question de module de reconnaissance de formes pour véhicules militaires.

Pour ceux qui en doutaient, c'est donc un peu difficile. Je me sens un peu décalé, et pas juste au niveau de la première phrase.
Mais j'ai revu des bouts de ma famille, j'ai posé mon sac et j'ai mangé du fromage.
Et puis j'ai encore un petit peu de feu au fond de moi. La cause n'est pas perdue donc...

et je vais tenter de mettre à jour ce site dans la semaine ; vérifiez donc lundi prochain les catégories Mexique, US, Canada et Bilans !